PIERRE EMMANUEL

L'AutreÉditions du Seuil, 1980

On est bien trop petit ou bien trop vieux
Pour savoir ses prières. Tout est bleu
Là-haut. Après la nuit viendra l’étoile.
Parfois souffrir est un caillou. On veut
Le lancer au plus loin d’un coup de fronde.
Ce monde qui est grand à faire peur
Un rossignol sait l’emplir à tue-tête
Se dit l’enfant ou le vieil homme au cœur d’enfant.
Il fait un pas hors de lui-même et prend mesure
Du lieu redevenu d’enfance immensément.
Cède ainsi l’ultime refus de la nature
De mourir au néant pour naître au seul Vivant.

                         L’Autre, Dernier poème


     Troisième volet du Livre de l’homme et de la femme, L’Autre paraît en octobre 1980, « un an après Duel » mais il fut « écrit de de juin à août 1979 ».
     « Le poème « révèle le sens du combat et éclaire ces jeux d’ombre qui pervertissent le désir amoureux. La scène s’est élargie aux dimensions du mythe. Le livre est composé de deux parties de quatre-vingts douzains. La première partie, "Éden", est consacrée pour l’essentiel à Adam, Ève et le serpent, alors que la deuxième —  "Perdu" — reprend plus directement l’histoire du poète. Mais dans les deux "le Paradis est déjà perdu" (IVe de couverture). [...] La trilogie a servi de révélateur à la complexité des désirs. [...]
     À la douleur et à la révolte vont peu à peu succéder la compréhension et l’acceptation. Acceptation de l’interdit, de la mort qu’il présuppose. La fin du livre, très apaisée, dans un paysage qui n’est plus ni celui du Jardin ni celui infernal du combat des ombres mais le vaste espace du désert, du vent et de l’océan, rassemble l’enfant abandonné, le Père, et salue la naissance du Je. »

Anne-Sophie Constant, notice de Jacob, Œuvres poétiques complètes, t. 2, L’Âge d’Homme, 2003, p. 1288-1290.