En 1969 paraît en plaquette Notre Père, composé de deux ensembles : « Notre Père » et « Les Béatitudes », dédié à Geneviève de Gaulle d’Anthonioz. Les poèmes sont enrichis d’illustrations de Loo – artiste peintre et sculpteur, épouse du poète. Les dimensions modestes de l’œuvre ne doivent pas voiler son importance : six ans après La nouvelle naissance, Pierre Emmanuel retrouve le chemin de la poésie et le goût de publier son œuvre autrement que sous une forme fragmentaire. Jacob, un an plus tard, intègrera l’ensemble en son cœur, inaugurant ainsi une nouvelle forme d’écriture que l’on retrouve aussi au cœur de Sophia avec « Missa solemnis », et de Tu avec « Veni » : le commentaire de textes liturgiques (le « Notre Père » et les « Béatitudes » étant parties intégrantes de la Cène protestante).
Si les thèmes rappellent Évangéliaire et La nouvelle naissance, l’écriture en est nouvelle et retrouve les dimensions du verset, les longs vers libres des grandes œuvres comme Sodome ou Babel. Les poèmes ne se veulent pas prière ; ils sont une expression du désir de Pierre Emmanuel d’unir verbe poétique et Verbe divin dans un même combat de l’écriture. Reprenant le parole de l’Église, le poète la transforme au gré de sa créativité, en sorte qu’elle exprime sa propre approche du texte et dise davantage en définitive les abîmes de l’être que le texte liturgique ouvre en lui que son adhésion à telle ou telle proposition.
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