PIERRE EMMANUEL

La révolution parallèleÉditions du Seuil, 1975

      Ce qui manque le plus, c’est la vraie rencontre : la rencontre est un grand loisir. C’est aussi la vraie solitude ; savoir être seul est approfondir l’homme en soi; encore un grand loisir. De nos jours, le mot loisir s’emploie de plus en plus au pluriel, et sa signification originelle tend à disparaître. On dit : avoir des loisirs, ou n’avoir pas de loisirs. On ne dit plus guère : être de loisir ; c’est sans doute qu’on ne sait plus l’être. Cette locution charmante signifiait jadis avoir la libre disposition de son temps. Aujourd’hui, pour autant qu’elle est encore un usage, c’est péjorativement, au sens de : être oisif. La déformation de son sens premier est tristement explicable. Notre civilisation est avant tout un système généralisé du travail, dont les éléments, de plus en plus, sont conditionnés par une stricte interdépendance. Personne ou presque, à moins de se mettre en marge de la grande machine sociale, ne dispose librement de soi-même, n’est en état de faire ce qu’il veut.
     Notons que loisir n’est ni perte de temps ni paresse. C’est, essentiellement, liberté. Je dirais même la seule façon d’être libre : un mode d’être, une attitude globale envers le temps.


                           La révolution parallèle, « Le temps libre »


     La révolution parallèle paraît début 1975 aux éditions du Seuil et il est présenté à la télévision par Pierre Emmanuel dès le 6 février. Le poète est alors président de l’Institut national de l’audiovisuel depuis peu.
     Le livre a « pour premier objet cette convivialité où des gens de toute opinion spirituelle commencent à voir une ressource commune contre l’émiettement des individus dans la masse – la source d’un nouveau rapport social. La révolution parallèle, sous-jacente aux crises visibles de l’époque, est cette modification des mentalités qui se dessine un peu partout dans le monde, surtout danses pays industriels ».
     La réflexionest élaborée en 4 grandes parties : « Éducation », « Imagination », « Culture », « Communauté » dont les titres indiquent à la fois le sujet et la démarche. L’ensemble est éclairé par le dernier chapitre : « Le salut par l’excès ? », dans lequel Pierre Emmanuel explique le lien entre ses réflexions et les questions fondamentales qui l’habitent : les interrogations sur l’homme et l’histoire, l’homme dans une histoire qui s’accélère et semble le déposséder de lui-même.