Ce qui manque le plus, c’est la vraie rencontre : la rencontre est un grand loisir. C’est aussi la vraie solitude ; savoir être seul est approfondir l’homme en soi; encore un grand loisir. De nos jours, le mot loisir s’emploie de plus en plus au pluriel, et sa signification originelle tend à disparaître. On dit : avoir des loisirs, ou n’avoir pas de loisirs. On ne dit plus guère : être de loisir ; c’est sans doute qu’on ne sait plus l’être. Cette locution charmante signifiait jadis avoir la libre disposition de son temps. Aujourd’hui, pour autant qu’elle est encore un usage, c’est péjorativement, au sens de : être oisif. La déformation de son sens premier est tristement explicable. Notre civilisation est avant tout un système généralisé du travail, dont les éléments, de plus en plus, sont conditionnés par une stricte interdépendance. Personne ou presque, à moins de se mettre en marge de la grande machine sociale, ne dispose librement de soi-même, n’est en état de faire ce qu’il veut.
Notons que loisir n’est ni perte de temps ni paresse. C’est, essentiellement, liberté. Je dirais même la seule façon d’être libre : un mode d’être, une attitude globale envers le temps.
La révolution parallèle, « Le temps libre »