« L’admirable, c’est qu’en lisant Villon nous retrouvons sans effort notre âme du Moyen Âge, qui continue de vivre en nous. Ce qui chez d’autres poètes ne serait qu’épisode personnel, il l’exprime par une souffrance trop contagieuse pour que nous n’en prenions notre part, au même titre que lui. Elle n’a donc pas été lancée en vain, cette apostrophe à la pitié qu’exhalait le lamentable coupe-jarret à la veille de la potence ! Mais plus encore que la pitié, c’est un sentiment d’infinie solidarité qui nous bouleverse en le lisant. Son lyrisme cru, d’une sincérité vraiment unique, son ironie déchirante, fruit de la plus constante intimité avec l’innombrable contradiction de son cœur, la candeur de son espérance enfin, qui transfigure le fatalisme de certains textes et ne se dément point, fût-ce dans la pire ignominie, parlent en nous cette langue de la Faute dont la douceur et l’âpreté nous sont si nécessaires, et nous ramènent à l’exacte mesure de notre condition : langue commune d’ailleurs, faite de lieux communs, nous n’en perdons jamais tout à fait la mémoire, que nous percevons intacte et poursuivant sa vie profonde, dans l’œuvre solitaire des grands. »