Être complètement au monde, c’est considérer celui-ci à la lumière de la dignité fondamentale de tout être humain ; être convaincu que la prise de conscience solitaire, la prière, le sacrifice même ignoré, retentissent sur le destin universel. Croire que le monde doit être l’expression de notre dignité fondamentale, c’est projeter sur toutes choses un reflet de ce qu’il y a d’essentiel en nous. Ce n’est donc pas simplement chercher l’efficacité ; c’est chercher un sens et n’être efficace qu’en fonction de ce sens, de telle sorte que le sens commande l’efficacité au lieu de dépendre d’elle. Notre présence au monde est conscience, non pas simplement des significations diverses que nous pouvons donner à notre action, mais du sens inhérent à l’être, sens intégrateur, totalisant, non nécessairement manifeste de l’extérieur seul ; la révélation de ce sens nous fait comprendre le caractère tragique de l’existence, auquel nous nous dérobons si constamment. La vie de l’homme est tragique parce qu’elle est la conquête du sens, parce qu’elle est tout entière poussée par le sens à la conquête du sens. C’est pourquoi il faut travailler dans l’époque avec la conviction que l’on peut changer celle-ci, et que cette modification implique un mieux-être ; mais également que jamais l’homme ne sera à l’abri de lui-même, de sa propre déroute intérieure, de ce déséquilibre insensé où il verse parfois.
Choses dites, « L'hospitalité intérieure »