PIERRE EMMANUEL

Jeanne Crépy, première épouse de Pierre Emmanuelsur la période de la guerre








Clara MalrauxÀ Dieulefit durant la guerre



France Nicolay1973-1984



L'hommage de l'Académie française - J. de Bourbon-Busset27 septembre 1984

 

 

 

 

Marie-Hélène Verdier29 septembre 1984

 
 

 



Monique Demart1 septembre 2015






 




Évelyne Frank12 août 2016



 

 

 

Témoignage recueilli le 8 juillet 1987

      « Nous sommes arrivés à Dieulefit avec l’exode, en 40, parce que Pierre Jean Jouve, qui était un grand poète, qui était en quelque sorte le maître en poésie de Pierre Emmanuel, connaissait Dieulefit.
     Sa femme, qui était psychanalyste, était (…) une amie intime de Maguy Soubeyran, et ils venaient de temps en temps faire un séjour à Dieulefit, à la pension Beauvallon. Ils avaient une énorme table Louis XIII en chêne, et il est exact qu’avant la guerre, quand il venait à Dieulefit, il apportait sa table et sa chaise. Car il ne pouvait pas travailler autrement.
     Enfin bref, nous avions fait l’exode avec lui, nous nous étions séparés et puis retrouvés en Avignon, au moment où il y avait un décret interdisant aux réfugiés de bouger. Nous nous sommes retrouvés en Avignon, et à ce moment-là Jouve cherchait le moyen de gagner l’Afrique du Nord, et il se trouve que c’était juste le moment de Mers-el-Kébir... »

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Un second témoignage, recueilli en 1989 par Sandrine Suchon

« ...J’étais professeur à la Roseraie, petite école secondaire ouverte juste avant la guerre. Il y avait alors très peu d’élèves, et tout d’un coup, il y a eu une expansion extraordinaire, un afflux de réfugiés et donc énormément d’élèves. De même des professeurs que l’on n’attendait pas comme Pierre Emmanuel ou Samuel Abramovitch qui était venu parce qu’il était juif. Nous étions un peu en dehors. D’un côté il y avait Beauvallon avec Marguerite Soubeyran et de l’autre la Roseraie, où nous étions professeurs Pierre Emmanuel et moi. Les gens du pays savaient que nous étions résistants. C’était une atmosphère tout à fait extraordinaire... »
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Et pourtant j’étais libre, Grasset, 2006

     « Pourquoi les Allemands n’ont-ils pas fait de descente à Dieulefit ? L’effort en aurait valu la peine. L’endroit n’était pas exactement l’Académie française – ils n’étaient pas quarante –, mais n’en regorgeait pas moins d’intellectuels bons à rafler : Pierre Emmanuel, Andrée Viollis – l’auteur de S.O.S. Indochine –, Emmanuel Mounier, directeur de la revue Esprit, Rousseaux, le futur critique du Figaro, Geneviève Serreau, le peintre Wools, à l’horizon Aragon et Elsa.
     Une sorte de rideau magique nous cachait sans doute à l’ennemi, malgré des activités qui auraient dû attirer l’attention. À ce ramassis de mal-pensants, ajoutons l’école de Beauvallon, haut lieu d’un calvinisme en rupture de ban, qui n’a, pour autant que je sache, jamais rejeté une créature en difficulté, et Dieu sait qu’il n’en manquait pas alors. Des enfants sans père ou mère avouable grouillaient dans ses classes et dans sa cour… »

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Une personne qui a changé ma vie...

     « 1973. Je travaille au Sauvage, un mensuel écologique lancé depuis peu par Le Nouvel Observateur. Mon poste s'intitule « Assistante du Rédacteur en chef ». Lors d'une réunion de rédaction, un monsieur écrivain – lui dit « poète » – membre de l'Académie Française, et qui possède une belle maison dans le Sud de la France, est venu proposer un sujet d'article sur les injures faites à la Provence dans le domaine de l'environnement. L'EDF plante n'importe où des poteaux en ciment, des entrepreneurs extraient la bauxite à ciel ouvert, des campings s'installent sans discrimination, etc. etc. Bref la Provence est outragée, elle est même en danger de mort, il faut la défendre. L'équipe acquiesce, heureuse d'avoir un beau sujet.... et une plume... »

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Une âme généreuse et tourmentée...

     « Les amis de Pierre Emmanuel ont reçu, il y a quelques semaines, un gros volume intitulé Le grand œuvre, en sous-titre, Cosmogonie. Au livre était jointe une carte de l’éditeur indiquant que l’auteur n’avait pu signer son service de presse en raison de son état de santé. Cette précision inhabituelle m’avait alarmé, mais je ne me doutais pas que ce livre serait son testament. Je lui ai écrit que, dans cet ouvrage, son ambition était la plus haute qui fût et qu’il pouvait être fier du résultat atteint. Pierre Emmanuel, dans cette œuvre, orchestre une genèse du monde. Il s’y montre, plus que jamais, poète prophète. Heureux l’écrivain qui, avant de gagner son éternité, peut, dans sa dernière œuvre, rassembler l’essentiel de son message !... »

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Les grands hommes meurent en automne...

Les grands hommes meurent en automne. Pierre Emmanuel est mort, un 22 septembre, le jour de l’automne 1984. La dernière fois que je l’ai vu, il m’avait dit : « Je peux mourir, mon œuvre est achevée. » Celui qui entend ces paroles de la bouche d’un vivant n’y croit pas. Et celui qui les prononce ? Dans le cas d’Emmanuel, oui. Je me tournai vers lui en souriant. « Un pavé de trois cents pages sur Dieu, qui le lira ? ». Lui qui avait tellement, de Dieu, le sens de l’humour, devint sérieux. « Qu’on le lise ou pas, me répondit-il, peu importe, l’essentiel est qu’il soit Monumentum. Le monument. »
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Un géant au regard à la fois perçant et bienveillant...

     « Années soixante : j’ai  vingt ans et je ne cesse d’écrire depuis des années ! Mon père, qui a consacré un article à Pierre Emmanuel, finit par lui envoyer deux de mes recueils. J’attendrai deux mois avant son coup de téléphone : il a aimé mes textes et désire me rencontrer.
     Un matin, rue de Varennes, la porte s’ouvre sur un géant au regard à la fois perçant et bienveillant : je traverse un long couloir pour aboutir à une pièce minuscule remplie de livres, « ma cellule », « c’est là que j’écris » ; il m’invite à m’asseoir, me révélant qu’il a mis du temps à ouvrir mes recueils car ayant une « dette » envers mon père, qu’aurait-il fait s’il n’avait pas aimé mes textes ! Mais il les aime… »

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Je dois beaucoup à Pierre Emmanuel...

     « C’était dans un jardin, un jardin très vert, ombragé d’arbres ployant sous le fruit, le jardin de mes grands-parents, un paradis. Je lisais les premières pages du Jacob de Pierre Emmanuel (Œuvres poétiques complètes, second volume, Lausanne, L’Age d’Homme, 2003). Fulguration ! « Je n’ai jamais rien lu de pareil », dis-je à mon père un peu plus tard. J’avais 22 ans. J’ai 59 ans. Je n’ai jamais plus rien lu de pareil.
     Je dois beaucoup à l’œuvre de Pierre Emmanuel, présence angélique venue à moi et passée. Elle me fut garde-fou en risque mortel, encouragement à tenir dans la nuit folle, élan vers la vie, ma vie. Je continue de me recevoir d’elle, maintenant loin, aussi loin que l’auteur décédé, avec une reconnaissance libre et heureuse… »

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