PIERRE EMMANUEL

Pierres d'hymnaires

     Pierres d’hymnaire n’est pas une œuvre de Pierre Emmanuel, et pourtant il en a écrit chacun des mots. Dans les hymnes ici présentés, ce sont ses vers que l’on retrouve. Écrits pour d’autres poèmes, assemblés autrement, extraits parfois de plusieurs recueils dont les références sont indiquées en note, ils sont devenus, avec son autorisation et même sa bénédiction, les hymnes qu’il ne voulait pas écrire et a cependant écrits par cet étrange truchement.
    
     L'histoire
     Au moment de la réforme liturgique, l’abbaye de Maumont voulut entreprendre un livret d’hymne. Une rencontre avec Pierre Emmanuel donna l’audace à Sœur Dominique, religieuse de ce monastère, de requérir l’aide du poète. Audace bien grande, car Pierre Emmanuel avait refusé la proposition faite par la commission liturgique nationale de participer à une entreprise similaire, au contraire de Patrice de La Tour du Pin : il ne se sentait pas de devenir, ainsi qu’on le lui demandait, le serviteur d’une parole sur laquelle il n’aurait nulle prise :  
     « Invité à parler de poésie devant un groupe [de liturgistes], je fus surpris non seulement de leur ignorance de la poésie, mais surtout de leur inappétence à l’égard de l’essence même du beau. Ce qu’ils attendaient de moi pour leur réflexion de spécialistes, c’étaient des procédés techniques applicables à la rénovation du chant d’église, (…) le poète traduisant en poésie, ou plutôt mettant en forme, la substance élaborée par l’exégète et le théologien. Je retrouvais l’éternel malentendu qui fait de la poésie une manière de dire quelque chose que l’on peut dire en prose autrement, et même mieux pour l’intelligence – mais ce mieux ne peut se chanter. Le chant n’était donc guère mieux traité que la poésie : sa nécessité spirituelle ne semblait pas s’imposer, il n’était qu’un moyen de tenir l’assemblée. Voilà pourquoi l’on fait de si mauvais cantiques. Car ni le chant ni la poésie ne sont une façon de vocaliser ce que l’entendement préfère saisir dans sa propre langue : en eux la manière de dire est la chose dite, le chant et le verbe ne font qu’un ; le souffle qui s’épanouit dans le chant, c’est l’origine et la plénitude en figure, le résumé de la création. […] On peut demander beaucoup à un artiste dans l’ordre de l’obéissance et de la pauvreté ; on peut lui imposer certaines règles spirituelles, à condition que s’en imprègne son art ; mais on ne peut le considérer comme un rapetasseur de mauvaise étoffe liturgique. » (La Révolution parallèle, p. 273-274).

     Dix ans après ce texte, pourtant, le poète répondait à Sœur Dominique qui souhaitait s’inspirer de ses œuvres poétiques : « Qu'est-ce que cet objet de votre attente ? Que je vous donne l'autorisation de me "piller" ? mais vous l'avez cent fois - les textes que vous tirerez des miens seront plus utiles et iront plus haut, grâce au chant, que ces derniers. N'ayez donc pas scrupule à m'emprunter ce qui paraît bon et à laisser le reste. Ni à m'envoyer non seulement ce que vous en tirez mais ce qui vient de vous ».

     Ainsi naquirent Pierres d’hymnaires, qui sert aujourd’hui encore à la liturgie des Heures de l’abbaye.

     Avec la généreuse autorisation des moniales, sont publiés ici le récit intégral de Sœur Dominique et les hymnes inspirés de Pierre Emmanuel.