PIERRE EMMANUEL

Car enfin je vous aimeCahiers du Rhône, 1950

     En 1950, Pierre Emmanuel fait paraître aux éditions des Cahiers du Rhône son premier – et seul – roman : Car enfin je vous aime, écrit, affirme-t-il plus tard, « à Mormoiron, dans le Vaucluse, pendant l’été de 1949 ».
     La forme complexe de l’œuvre : un « cahier gris », des lettres de narrateurs divers, disent les jeux d’un « Don Juan moderne, pour qui écrire est une continuation du séduire sous une autre forme ». Mais ces jeux sont en partie détruits par la lettre de l’une de ses conquêtes, Laurence, à qui Déodat envoie le cahier, et qui lui montre la fausseté de ce lyrisme narcissique. Ainsi la quête à la fois érotique et spirituelle de Déodat est-elle réduite à un jeu de miroirs. À la fin du roman, une lettre de Déodat à un ami annonce son mariage avec Ève, dont il affirmait précédemment avoir « besoin (…) comme d’un vice pour lui faire du mal… ».
     Les critiques saluent souvent l’écriture de l’œuvre, notent les ressemblances entre Déodat et son auteur. Comme Pierre Emmanuel lui-même, ils restent parfois insatisfaits de cette fin.

     En 1980 un « éditeur suisse » offre à Pierre Emmanuel de faire un nouveau tirage de son roman. Pressé par des amis, il accepte de publier à nouveau Car enfin je vous aime car « il traduisait une préoccupation constante dans mon œuvre, de Tombeau d’Orphée au Livre de l’homme et de la femme ». Au cours de l’été 1982 Pierre Emmanuel écrit donc 120 pages supplémentaires,
     « où le pseudo-auteur du roman originel, qui est aussi le confident de son héros, s’efforce de recomposer la trame des amours de celui-ci à travers son existence. Le postulat de cette tentative est que l’âme d’un homme est le produit de ses naissances successives de toutes les femmes qu’il a aimées. Ce serait autant d’étapes, en somme, vers cette unité que l’amour aspire à vivre à deux, et dont il n’est que la nostalgie plus ou moins lucide, parfois insoutenable, absolue » (Car enfin je vous aime, Préface de 1983).