PIERRE EMMANUEL

La commission culturelle du VIe plan

     En août 1969 Pierre Emmanuel, nouvel académicien, est chargé par Edmond Michelet de présider la commission des affaires culturelles du VIe Plan de développement économique et social, valable pour les cinq années à venir. Tous les membres en sont bénévoles.

     L’avant-propos du projet précise qu’il s’agit d’établir « un diagnostic de situation, une analyse de problèmes, le dégagement de leurs solutions possibles, un cadre de référence pour la politique du gouvernement et l’activité des Français ».

     La première préoccupation du poète est de « joindre dans l’esprit de tous, non sans mal, la préoccupation de la forme de vie à celle de la création esthétique », en sorte que l’on n’oublie pas les artistes et leurs conditions de vie. Il envisage une « Fondation nationale de la création artistique » pour sortir les artistes de leur isolement. Ce désir semble sans suite immédiate, mais la Maison de la Poésie en est sans doute une première réalisation.

     En mai 1970, le budget alloué à la culture par les Finances est tel que « désormais, parler de politique culturelle devenait une farce. Dans l’immédiat, la question qui se posait au ministère était celle de sa survie ». La commission culturelle n’a plus de raison d’être et son président et ses rapporteurs démissionnent secrètement, tout en poursuivant en fait leurs travaux. Au printemps 1971 est publié un rapport écrit en novembre précédent par Pierre Emmanuel, qui détaille l’état des lieux, les problèmes et les propositions – concrètes et nombreuses – de la commission.

     Pierre Emmanuel y parle d’« inventer des règles de gestion communautaire », car la formation du cadre de vie doit se décider et se réaliser à tous les échelons : « La culture étant en fin de compte l’expression la plus haute de cette création ».

     Les critères du développement culturel sont pour lui : « Le degré d’autonomie de la personne, sa capacité de communiquer avec les autres, de mieux participer à la société tout en pouvant s’en libérer. Il s’agit d’opérer cette révolution au niveau de l’habitat, de l’environnement, de la vie scolaire, de la vie intellectuelle et spirituelle. »


     « Michelet était un de ces hommes qui ont payé cher le droit d’être homme, et ses actes publics n’ont tendu qu’à faire reconnaître ce droit comme le droit de tous. Ce droit, il l’avait toujours considéré essentiellement comme un service. Mot qui n’est guère à la mode, mais le redeviendra. Servir est une activité créatrice : peut-être celle qui, pour diverses que soient les tâches, maintient dans l’être une inébranlable unité. Unité, fidélité à ce que l’on sert – qui peut être l’homme. Certains hommes ont l’autorité qu’il faut pour appeler à servir l’homme. Ceux qui ont connu Michelet savent qu’il était de ceux-là. On ne disait pas non à Michelet quand il demandait un service. (…)

     J’ai choisi non de consolider un système, mais de le transformer du dedans. Je l’accepte dans la mesure où sa cohésion reste nécessaire à l’existence de ces multitudes qu’il a fait croître, qu’il a conditionnées et placées sous sa dépendance parfois absolue. Mais ce conditionnement, cette dépendance, je suis de ceux qui veulent travailler à les briser, au spirituel et au social. La seule façon d’y parvenir sans tomber dans une aliénation nouvelle est de susciter, à l’intérieur du système, des formes nouvelles d’association. De proche en proche, ces groupements solidaires le métamorphoseront en une authentique Cité terrestre, sans anéantir les richesses d’intelligence investies en lui ; sans étêter non plus de son audace le projet que le système a rendu babélien faute de le garder humainement homogène. Homogène, c’est-à-dire à la mesure, – dans sa totalité et ses parties, des communautés différenciées dont l’ensemble devrait constituer l’État. »        

Pour une politique de la culture


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