PIERRE EMMANUEL

Le Haut Comité de la langue française

     Le Haut Comité de la langue française a été créé en mars 1966 auprès du premier ministre pour conseiller le gouvernement et suggérer « des mesures concrètes en faveur de la langue ». Son rôle est de contribuer à la défense et à la diffusion de la langue et de la culture françaises, menacées toujours davantage par l’anglais.

     Pierre Emmanuel en est membre en 1969, comme académicien. Ce travail s’inscrit dans sa préoccupation constante de la langue. Il est néanmoins bientôt déçu du fonctionnement de ce Comité : « J’ai eu l’impression que les moyens ne lui [au Haut Comité] étaient pas donnés pour sa finalité, et que d’autre part, il était peut-être, dans sa composition, (…) beaucoup trop figé dans une sorte de conservatisme linguistique. (…) Le Haut Comité, me semble-t-il, devrait être – je ne sais pas s’il l’est maintenant – beaucoup plus ouvert à la réalité moderne, plus dynamisé. Et il devrait être d’autre part, un organisme pouvant imposer son autorité dans un certain nombre de domaines. » (« Entretien avec Pierre Emmanuel », Médias et langage, 9, février 1981)


     « Pour moi, le français n’existe pas autrement que comme système vivant, réseau vivant, tissu vivant de relations. Il faut que les enfants apprennent à parler ensemble, mais ils ne peuvent pas apprendre à parler ensemble s’ils n’ont pas de quoi parler, et s’ils n’ont pas un lieu commun qui leur permet de s’exprimer à propos de choses qu’ils font ensemble. L’école est donc un lieu où il faut apprendre à ÊTRE ensemble : et on est ensemble en face de la réalité matérielle, affective, de l’espace qui entoure, qui n’est pas qu’un espace global, qui est un espace dans lequel des pistes se tracent, se croisent, etc. D’où la nécessité d’imaginer la langue d’abord, essentiellement, comme par un moyen d’échanges. Apprendre à parler, ça ne veut pas dire apprendre à dire n’importe quoi. Enseigner à parler, ça ne veut pas dire enseigner à dire n’importe quoi. Ça veut dire enseigner comment être ensemble avec la langue, grâce à la langue comme un moyen d’être ensemble, pas seulement avec le corps, bien que le corps joue aussi son rôle par les coups, par les contacts, par le jeu. La langue, il faudrait l’envisager comme une réalité corporelle autant que le corps lui-même. C’est pourquoi j’avais toujours proposé que l’on apprît à parler avant que d’apprendre à écrire ou à lire, ou, du moins, en même temps que l’on apprenait à lire et avant d’apprendre à lire. Et je maintiens que ce serait la force d’une démocratie que de le faire. On ne libère pas quelqu’un qui ne sait pas parler. Je l’ai vu. J’ai dirigé des sociétés où il y avait, pour la dernière, un millier de personnes. Les gens qui ne savent pas parler, qui ne savent pas s’adresser au directeur, au contremaître, au chef syndical, sont perdus. »