PIERRE EMMANUEL

Les Nouvelles lettres, n°5, février-mars 1939, p. 578-579

Pierre Emmanuel fut le seul critique que Massignon autorisa à publier sur ce texte à l'époque de sa parution.









Poésie 42, n° 8, février-mars 1942, p. 59-63









Le Mot d’ordre, n° 688, 5 septembre 1942, p. 2












Fontaine, numéro spécial de mars-avril 1942, n° 19-20 : « De la poésie comme exercice spirituel », p. 83-88.


Le texte de cet article est repris, avec quelques variantes, dans Poésie, raison ardente. Ici le texte de la revue.








Fontaine, juillet-septembre 1942, p. 59-61.

Le texte est en est repris dans Poésie, raison ardente.





Poésie 45, n°24 avril-mai 1945, p. 115-116










Les étoiles - n° 32, 19 décembre 1945







Temps présent, 12 avril 1946







Éditions du Rocher, Monaco, 1946

Textes choisis et introduction de Pierre Emmanuel. Le texte de cette préface ne fut jamais repris ensuite par le poète.







Éditions universitaires, Paris, 1954





La Revue du Caire - n° 166, janvier 1954, p. 1-4.








La Parisienne, n° 45, juin 1957, p. 753-755








Preuves, n° 80, octobre 1957, p. 3-13.



Preuves, n° 145, mars 1963, p. 3-5.






Esprit, août-septembre 1964, p. 358-373.








Notre république, n° 312, 21 juin 1968, s. p. [dernière].




Notre République, n° 340, 21 février 1969, s. p. [dernière] et 7.








France catholique, 22-28 août 1975, n° 1498, p. 1, 15.












Cahiers. Présence de Gabriel Marcel, 1, 1979, p. 95-96.

Les trois prières d’Abraham, par Louis Massignon

 

     « Dans la seconde des trois prières d’Abraham, intitulée « l’Hégire d’Ismaël », Massignon dégage en une synthèse admirable de concision et de hardiesse les diverses fins : historique, religieuse et eschatologique de l’Islam, toutes impliquées dans la revendication d’Ismaël, énoncée par Mohammad. L’exil de celui-ci à Yathrib, figure de l’ancienne Hégire, marque la fin de la longue nuit des enfants d’Ismaël. Tous les exclus, les avides, les prolétaires du divin, Mohammad les soulève en une exigence de Dieu massive et désespérée, une volonté unique, tendue vers la conquête de l’héritage d’Abraham par une remontée farouche de l’histoire et l’accusation d’usurpation portée contre les enfants de la Promesse, chrétiens et juifs. C’est la deuxième prière d’Abraham, réitérée par le Qoran, qui sera le gage de la légitimité nouvellement conquise, du retour de Dieu à Ismaël... »

 

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Pierre Jean Jouve. Porche à la nuit des saints

 

     « Il est peu d’exemples, en notre poésie, d’une rigueur pareille à celle de Jouve. C’est en vain que l’on chercherait en celle-ci de ces complaisances qui trahissent l’absence de contrôle spirituel : elle ne connaît d’autre hasard que celui, bienheureux, de la Grâce. Aussi exige-t-elle du lecteur un acte de silence préalable, une attente suffisamment dépouillée pour mériter d’être comblée. Ceux qui refusent au poète le droit de juger, de jauger son lecteur, se rebutent vite d’un monde où l’on n’apprend à vivre que lentement, en commençant par des exercices de respiration patiente. Mais ceux – moins nombreux, mais plus authentiquement humains – que la poésie, loin de distraire, ramène à leur centre, acceptent ce difficile apprentissage, convaincus qu’il est un moyen d’approfondissement intérieur... »

 

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Note sur l'imagination selon Baudelaire

     « C’est l’imagination qui a enseigné à l’homme le sens moral et la couleur, du contour, du son et du parfum. Elle a créé, au commencement du monde, l’analogie et la métaphore. Elle décompose toute la création, et, avec les matériaux amassés et disposés suivant des règles dont on ne peut trouver l’origine que dans le plus profond de l’âme, elle crée un monde nouveau, elle produit la sensation du neuf. Comme elle a créé le monde (on peut bien dire cela, je crois, même dans un sens religieux), il est juste qu’elle le gouverne. » Ce passage du Salon de 1859 est au cœur de l’esthétique baudelairienne. Il fixe, avec une ampleur sublime, le rôle de l’imagination, par laquelle l’homme participe à l’acte créateur dans son essence. Car le monde est une perpétuelle aventure, un hasard d’une diversité infinie, une fois percée la tromperie de l’apparence. De même que Dieu ne cesse de créer, l’homme ne cesse d’envisager de nouveaux aspects de la création, de provoquer entre les choses et lui de nouvelles correspondances. »

 

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L'homme et le poète


     « De toutes les confusions qui ont adultéré la critique, la plus préjudiciable à la poésie est celle qui a conduit par degrés à identifier le symbole et la réalité. Comme celle-ci est en dernière instance ineffable, il est difficile d’avoir de son rapport au symbole autre chose qu’une intuition plus ou moins vive, mais qui, si elle légitime le symbole, n’entame pas la réalité. L’Être est inexprimable en ce qu’il est nécessairement, qu’il ne peut être autre chose que l’Être : le symbole, lui, est une absence-présence, une cire sur laquelle l’Être empreint sa marque. Encore, cette marque, ne sommes-nous jamais sûrs que le symbole la porte en soi ; ce que le lecteur nomme une belle image n’est souvent que le résultat d’une série de compromis : les uns – les moindres – avec les difficultés de la technique, les autres avec les exigences de l’intuition. Il arrive que celle-ci soit satisfaite, parfois avec bonheur : satisfaction qui n’est, en somme, pas si différente de celle que procure la détente après l’effort, ou de ce plaisir de surcroît qui accompagne l’exercice harmonieux de certaines fonctions vitales... »

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D'une poésie armée

     « Dès ses premières manifestations, certaine poésie qui marquait durement son souci de la catastrophe, s’est vu reprocher son caractère rhétorique par plus d’un fervent de poésie tout court. Quand l’actuel, objectent ces derniers, prend le pas sur l’éternel (qui est l’homme dégagé de la contingence historique, exprimé dans son essence, et donnant aux œuvres de l’esprit leur unité à travers les temps), la recherche de l’efficace immédiat fait glisser du poème au discours, l’image se vide d’un seul coup de son pouvoir de référence à la réalité, celle-ci d’ailleurs trop connue, trop limitée dans ses contours, pour que l’on n’éprouve quelque ennui – et le sentiment d’une faute de goût – à se l’entendre rappeler avec emphase. Certes, le charme est indéniable qu’ajoutent au poème (23) telles subtiles allusions, tel effet obtenu par un bref éclair qui ne dévoile une référence que pour piquer au jeu le lecteur : mais l’insistance – la complaisance même, dira-t-on – produit le contraire de ce qu’en attendait le poète ; elle ne touche pas, elle lasse… »

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Lettre à Supervielle

      « Nous ferez-vous bientôt signe, mon cher Jules Supervielle, de vous suivre à pas de loup, dans votre univers enchanté ? À quel point votre poésie nous manque, il n’est, pour le bien sentir, que de relire les Poèmes de la France malheureuse ou les Amis Inconnus. Depuis votre départ, il est né bien des poètes en France : tous les arbres de notre pays se sont peuplés d’oiseaux. Certes, leur chant est beau, vous serez heureux de l’entendre : et peut-être l’entendez-vous, une branche de l’Arbre enjambe la mer comme un mur, la voici qui vers vous se penche. Mais ces poètes ne connaissent plus le silence. Tous, ils disent des choses utiles, ou profondes : utiles, les uns, qui voient dans le poète un Définiteur de la Cité, et parlent de leur « rôle social » avec des mines importantes ; profondes, les autres, qui se plaisent aux abîmes, et s’assurent un peu trop volontiers qu’ils sont dépositaires de ce que l’homme a de plus sacré. Il en est bien qui s’essaient au silence, leurs poèmes brillent par endroits des éclats d’un silence brisé. Ceux-là ne savent pas que le silence est partout, qu’il est non point la paillette de l’instant, mais ce réseau des rapports fragiles distinguant toutes choses pour les relier dans l’harmonie... »

 

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Jean Cayrol

« Qu’un homme avant reçu les dons majeurs de la poésie, le sens de l’image symbolique, le souffle organisateur, la vision ; un homme de vertu profonde, au sens antique du mot ; d’une noblesse insigne dans les gestes singuliers où l’homme tout entier se révèle ; un homme dont la seule présence, au milieu de ses amis, est une offrande à l’amitié, un acte d’amour qui appelle sur eux la lumière ; qu’un poète, et de quelle étoffe spirituelle ! ait traversé l’horreur capitale des camps, et revienne, vivant, brûlant de charité, porteur d’une évidence éternelle, nous signifier que l’art le plus haut rejoint la création morale, qu’il est une victoire sur le chaos des instincts et tout ensemble une conquête sur les contraintes de la Loi ; comment ne pas tenir pour nécessaire, ou plutôt providentiel, le témoignage de cet homme ?... »
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Dieu et Proudhon

     « Dieu, c’est le mal ». Cette phrase de Proudhon, dirai-je que c’est un blasphème ? N’est-ce pas plutôt le jugement d’une âme assoiffée de justice, qui condamne Dieu sur les actions de ceux qui ont charge de le représenter ? Dans la Justice, le grand tribun écrit : « Celui-là peut fermer mon livre, qui y chercherait un passe-temps sacrilège ». Proudhon se dresse contre toute idolâtrie, car elle est préjudiciable à la liberté de l’homme, et sert en fait à contraindre davantage celui-ci : et l’idolâtrie qui prend Dieu pour idole est, pour lui, la pire de toutes, car elle abuse d’une loi morale très haute, qu’elle détourne au profit de quelques-uns. Aussi trouve-t-on chez ce contempteur du christianisme politique, c’est-à-dire de l’Église qui s’arroge le Christ et en fait le porte-parole des puissants, plus d’enseignements sur les vertus essentielles à l’homme, vertus chrétiennes au premier chef, qu’en maint volume de poussiéreuse apologétique ou de morale hypocrite et surannée...

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Agrippa d'Aubigné - Préface aux "Tragiques"

     « Agrippa d’Aubigné : ce nom prestigieux et sévère, il me plaît de le détacher d’entre les plus grands. Je n’en connais pas de plus solitaire, de plus évidemment choisi par le destin. Le nom et l’œuvre se font écho par la vertu de syllabes solennelles, éclatantes et noires, que traverse le cri de l’éclair. Dans une hauteur d’orage, se dressent les vestiges géants d’une audace ruinée. On y pressent une vertigineuse architecture, où s’engoufffrent de vastes régions de ciel : cependant que des oiseaux tournoient, immenses, par milliers, au-dessus d’une terre à l’agonie. Mais, au cœur du vocable, et filtrant des sombres profondeurs, une aube inattendue respire, ce nom, à lui seul, est un hymne déjà.
     Confesserai-je que, satisfait d’imaginer cette grandeur, j’ai longtemps retardé l’effort de la connaître ? Les signes que je viens de dire m’étaient suffisants : en fait-il davantage au rêve ? »

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Préface au "Léon Bloy" de Georges Gattaui

     « Il ne fait pas de doute, pour qui sait lire l’œuvre maîtresse de Bloy, Le Salut par les Juifs, que cette révélation devait passer par Israël. En fait, la permanence mystérieuse d’Israël était pour Bloy, comme elle l’est pour toute pensée véritablement théologique, la manifestation essentielle – par la contradiction qu’elle entretient entre le plan humain et l’ordre divin – de cette histoire axiale dont l’épicentre est (14) la double Jérusalem, humaine et céleste. Si quelque jour est percé le secret de Léon Bloy, peut-être nous livrera-t-il, entre autres solutions redoutables, celle de l’énigme infinie du peuple Juif. L’histoire comme Somme théologique, telle que Léon Bloy le premier osa la flécher vers le ciel, aura-t-elle Israël pour clef de voûte ? »

 

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Sur un poète mort

     « "Ce qui nous perdra, c’est la vieillesse et que nous ne savons plus risquer : ni nos paroles ni notre raison. Et le monde se décolore, le monde s’ennuie de nous". C’est Éluard, dans une lettre à Louis Parrot, qui écrit ces deux phrases si lourdes et si tristes. Sur ces deux phrases et quelques autres, tirées de la correspondance échangée entre le poète de La Rose Publique et celui de Misery Farm, s’ouvre le recueil posthume de Louis Parrot intitulé Œil de fumée. Éluard et Parrot nous ont quittés, tous deux jeunes. Le premier avait véritablement choisi de ne pas vieillir, de maintenir toujours savante et neuve son attention émerveillée à la vie. À cinquante-sept ans il avait encore un visage tout ouvert, sans une ombre. Le second, plus tourmenté, dont l’apparence physique semblait concentrée comme s’il sentait en danger sa force vive, avait ce regard profond, aigu, qui burine les lignes essentielles et mesure l’exacte réalité. Le poète de l’infinie métamorphose et celui du réel sans repentir avaient en commun une certitude : c’est que, pour qui sait voir ce qui est, la beauté est partout présente… »

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La poésie - Sur « Premier Testament » d'Alain Bosquet

     « Le nom n’est que l’image de la chose nommée : tout art poétique s’efforce de donner substance à cette image, de fonder un double rapport. Si le nom tire sa réalité de la chose, la chose, elle, n’existe en esprit que nommée. La réflexion sur le langage a pour objet – et pour sujet – l’homme-dans-le-monde, l’homme-univers, l’univers humain : et ne sépare les deux termes que pour les unir.
     Or, depuis un demi-siècle, l’homme perd pied dans son univers : ni l’un ni l’autre ne sont définissables. Impermanence et métamorphose, l’instant se présente, scintille, et s’éteint. En nous comme au dehors, rien n’oppose une réalité durable à ce constant émerveillement, à cet éblouissement des apparences. Allégé de son sens concret, le langage est devenu son objet même. La poésie a vu proliférer les associations verbales : le poète crée de la parole à volonté. Cette parole ne désigne plus : elle suggère. Elle ne traduit plus une situation : elle aimante une sensibilité diffuse. Elle agit indépendamment du réel auquel les mots se réfèrent encore, pris individuellement. Quand il profère le mot : pomme, le poète ne sait plus ce qu’il dit : le lecteur pas davantage. »

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L'Europe a besoin de la parole

     « “L’Europe est un malade qui doit la plus grande reconnaissance à son incurabilité et aux éternelles transformations de son mal ; ces situations toujours nouvelles, ces dangers, ces douleurs, ces moyens d’inquisition, également toujours nouveaux, ont fini par engendrer une irritabilité intellectuelle qui équivaut presque au génie et certainement à la mère de tout génie.” Cette phrase du Gai Savoir (I, 24), je crains qu’elle ne flatte guère l’oreille d’un Européen de 1957. Elle est trop vraie : elle définit un destin devenu trop lourd à porter ; d’une maladie congénitale, elle fait une vocation de l’esprit, le moyen, le terrain d’un triomphe qui porte en lui sa malédiction... »

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La tessère d’hospitalité

     « Quotidiens et hebdomadaires parisiens ont consacré plusieurs semaines de suite de longs articles au séjour du jeune poète soviétique André Voznessenski. Il a bénéficié d’une publicité que la presse n’accorde en général qu’aux vedettes. L’idée qu’il est – comme son ami Evtouchenko, auquel Paris, au moment où j’écris ces lignes, fait un accueil encore plus orchestré – une sorte de Johnny Hallyday qui, en URSS, fait courir des milliers de « fans » pour l’entendre, n’est pas étrangère à ce bruit. Mais, même sans qu’ils en aient toujours conscience, les reporters qui volent à la rencontre de la renommée accomplissent un acte d’une portée autrement profonde. Ils saluent en ce jeune poète « un oiseau d’annonce nouvelle », le premier témoin d’une métamorphose de l’esprit public, manifestée d’abord dans le langage le plus intérieur, celui de l’âme... »

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Le serviteur du Verbe incarné

     « On écrit peu sur Francis Jammes, poète à demi oublié. J’avoue que même le grand travail que lui consacra Robert Mallet ne m’avait pas incité à le relire, et que mon souvenir le plus vivace de son œuvre était le pastiche qu’en avait fait Paul Reboux. J’eusse persévéré dans cette coupable ignorance, sans la lecture du récent livre de J.-P. Inda Francis Jammes et par-delà les poses et les images d’Épinal.
     Encore n’ai-je commencé ce livre que par patriotisme local, parce qu’il est édité dans la collection Béarn-Adour, aux Éditions Marrimpouey jeune. (...)
    Ce que je cherchais en lisant le livre de J.-P. Inda, c’était donc plutôt le Béarn que Jammes. En fait, si j’ai retrouvé quelque chose du milieu provincial de mon enfance, j’ai surtout rencontré un grand poète dont la pudeur, la candeur même sont ici dévoilées sous les poses qu’il aimait – pour les protéger sans doute – à se caricaturer… »

 

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Le snobisme de l’anarchie

     « Si briser pour briser était vraiment le mot d’ordre de l’Université nouvelle, alors malheur non seulement à ce pays et à sa culture, mais à la plus élémentaire humanité ! Nul ne peut croire que certaines meutes lâchement destructrices, saccageant sans risque tout ce qu’elles rencontrent en chemin, soient en majorité composées de jeunes gens voués à l’étude. Tout ce qui, dans une monstrueuse concentration urbaine, grouille d’instincts incohérents et incultes endigués par l’ordre social, se défoule avec une jouissance barbare, renverse, arrache, souille, incendie. C’est la grande orgie pseudo-égalitaire, justifiée d’avance par ces jongleurs de mots qui tirent fierté d’être irresponsables de la parole. On a envie de pleurer en voyant gâcher, pour longtemps peut-être, les perspectives d’une génération… »

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Langue notre patrie

     « Jamais je n’ai mieux senti qu’en temps de guerre à quel point la langue française est une patrie. De Luxembourg à Avignon et de Bruxelles à Genève, l’ethnie française souffrait également en Europe, l’esprit français se voyait menacé de mort. Pour tous les Européens, si nombreux, qui avaient aimé notre langue jusqu’à devenir ses enfants d’adoption, ce qui était en question, c’était une idée de l’Europe, dont la conscience parlait en français : le souci de cette langue s’identifiait dès lors à la défense de ces biens élémentaires sans quoi les hommes perdent leur forme et leur nom. À cette époque où la France n’existait plus comme pouvoir, nous étions conscients que la nation, toute grande qu’elle était, n’enfermait pas l’âme, bien que l’âme ne se pût dissocier de la nation, et encore moins de la nation humiliée. Cette France paradoxale, nul francophone ne la veut puissante à l’excès : c’est pourquoi elle irrite si aisément, dès qu’on la suspecte de se donner les moyens de la puissance ; mais elle n’agace pas moins, et elle s’inquiète, dès qu’elle semble par faiblesse, consentir à la perte de ces moyens... »

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Francis Jammes, patriarche et petit enfant

     « Dès ses premières œuvres, De la grippe ou Marcel, Péguy s’annonce comme un des prosateurs les plus complets de notre langue. Il n’y est indigne ni du Pascal des Provinciales, ni de l’éblouissant Diderot de Jacques le Fataliste, ni de Molière, ni de Proust : et déjà, l’ayant maîtrisée, il s’abandonne à sa source profonde, à la puissance du rythme, poésie innée. Car c’est d’abord en tant que prosateur qu’il est naturellement poète. L’idée chez lui a pour âme le rythme, et prend forme du mouvement qui anime son esprit entier, dont elle est comme la poussée organique, la substance en train de se faire pensée. Le tempérament de Péguy et son caractère, son destin d’homme et son âme d’enfant, son pressentiment et sa mémoire ancestrale, son expérience et son espérance, la systole et la diastole de son être, la double circulation qu’elles règlent entre futur et passé, "le dévêtement de la liberté et le revêtement de la mémoire", la vie et la mort, tout cela, qui se défait et se refait, opère indivisiblement dans sa langue... »

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Gabriel Marcel ou le miroir de l'infinité

     « J’ai connu Gabriel Marcel par Jules Monchanin, un homme de l’amour universel, qui toute sa vie essaya de lier dans sa pensée toutes les formes de l’adoration. J’avais à ce moment-là une vingtaine d’années et c’est grâce à lui que j’ai lu le Journal Métaphysique.
     Au même moment, sous d’autres influences, en particulier celles d’André Philippe, je lisais de Karl Barth Parole de Dieu et parole humaine et découvrais aussi Martin Buber. J’associe ces trois noms parce qu’ils ont été pour moi l’occasion d’une impulsion vitale. Ce que j’ai trouvé dans le Journal Métaphysique à l’âge qui était le sien quand il commençait à l’écrire, mais une tension vers l’être à travers l’expérience concrète d’une réflexion qui se produit à partir du rapport humain… »

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