PIERRE EMMANUEL

Pour une politique de la cultureÉditions du Seuil, 1971

     Qu’est-ce qui sauvera la raison, l’homme dans l’homme ? Cette question, posée aujourd’hui, dans les conditions de vie qui sont en train de devenir les nôtres, appelle à une culture pour notre temps. Si elle avait une réponse toute faite, par exemple dans notre héritage culturel, la question ne se poserait pas. Pour y répondre, il faut ébaucher du nouveau. Cette ébauche ne peut se conformer à aucune théorie existante de la culture : elle doit épouser, avant de leur donner forme, les modifications de l’homme moderne et de son milieu. Cela ne veut pas dire qu’elle ne reprendra pas à son compte des expériences très anciennes, d’éternels besoins de l’homme. Elle redécouvrira peut-être toute une part de l’héritage, oubliée ou mise au rebut. Elle ravivera des puissances atrophiées par certains transferts de civilisation et certains grands choix ontologiques. Tout renouvellement dans l’homme est aussi une renaissance: est-il besoin de rappeler qu’à de tels moments de l’histoire, l’esprit et la psyché, individuellement et collectivement, sont le siège d’une activité qui partiellement leur échappe et qu’ils endurent avec des sentiments contradictoires d’enthousiasme et de désespoir ? L’être de l’homme est assez grand pour les pâtir ensemble, partagé entre tout ce qu’il croit perdre et ce qu’il est encore incertain de créer.

              Pour une politique de la culture, « L'imagination au pouvoir »

 


 

     Pour une politique de la culture paraît en 1971 aux éditions du Seuil. Pierre Emmanuel le présente ainsi :
     « L’origine de ce livre est un geste "politiquement" absurde : en août 1969, un ministre demandait à un poète de présider une commission du VIe Plan. Le ministre était Edmond Michelet ; la commission, celle des Affaires culturelles ; le poète, celui qui vous parle. (…) Certains hommes ont l’autorité qu’il faut pour appeler à servir l’homme. Ceux qui ont connu Michelet savent qu’il était de ceux-là. On ne disait pas non à Michelet quand il demandait un service. » (Avant-propos)
     Pour une politique de la culture explique donc la mission de cette commission à l’intérieur du « VIe Plan de développement économique et social, valable pour les cinq années à venir ». C’est l’occasion pour Pierre Emmanuel d’une réflexion sur la culture, la politique au sens le plus noble du terme et donc du lien social. Pour lui, il s’agit d’abord de penser à la fois le « je » et le « nous », d’unir raison et imagination. Les questions posées par le livre autant que par le travail à l’intérieur de la commission sont donc philosophiques et spirituelles autant que politiques.
     Le livre est composé de trois parties : « Le projet culturel du VIe Plan », « Réinventer l’humanisme », « Une révolution dans l’esprit ». Deux annexes indiquent la composition de la commission et présentent « Quelques remarques sur la politique de la culture à l’occasion du VIe plan ».