Les paysages de Pierre Emmanuel - Gan et le Béarn
« Cet enfant quasi orphelin, la terre béarnaise fut sa mère. Elle lui apprit presque tout ce qui se trouve dans mes premiers poèmes : l'eau des sources, les chemins creux, les arbres de crête, les orages subits, la montagne proche et lointaine, mais surtout le vert... »
Discours de Pierre Emmanuel lors de sa réception à l'Académie des Lettres Pyrénéennes, le 14 octobre 1962
|
« Pourquoi verte, l’éternité ? Chansons du dé à coudre, LXV
|
« Midi. Avant le col je domine, précaire
Une enfance qui fut trop vaste et maintenant
Rien. Un hameau sans toits ni portes. Une ronce
D’abeilles. Bras qui se déplie. Aisselle
Acre fougère je t’odore. Ma patrie.
Lieu sans retour : d’ici tout y est vu
En épure. L’air natal est enchanté
Inextricable transparence où fuient les routes
Serpents qui mordent au genou : qui m’interdit
Mon propre seuil ? Des gens prennent le frais des tombes »
Tombeau d’Orphée, « Retour d’Orphée »
« J’avais participé depuis un certain temps aux travaux de la Jeunesse Agricole Chrétienne, et je m’étais fait un certain nombre d’amis dans ce milieu des jeunes agriculteurs intelligents, qui ont révolutionné l’agriculture. L’un de mes amis est d’ailleurs maintenant le maire de mon village. (…) Il m’a fait aussi comprendre beaucoup de choses.
Louis Bidault, le paysan dont je vous parle, lui ce qu’il m’apprenait c’était l’intelligence naturelle en rapport avec une terre. Il y a des intelligences qui sont absolument liées à la compréhension physique d’un lieu, d’un milieu, d’un certain nombre de problèmes relatifs à ce milieu, et on peut dire qu’à partir de là, il y a une spiritualité qui se dégage, et qui est très probante. La réflexion de type, on pourrait presque dire philosophique, la réflexion qui porte sur la valeur, part souvent de l’expérience directe et concrète. Et ça m’avait beaucoup frappé, que l’on pouvait être donc un intellectuel naturel, que l’intellectuel n’est pas celui qui est commis d’une manière particulière aux œuvres de l’intelligence… aux discours intellectuels tels que les professeurs vous l’enseignent. Non, il y a autre chose. Il y a des gens qui ont une intelligence naturelle et parfaitement équilibrée. C’était le cas de Bidault. »
Entretien inédit
« [J]e me vois encore, je me sens encore écoutant la nuit, par exemple, quand je revenais en vacances de Lyon, la première année de mon retour en vacances ; j’avais onze ans, et je couchais dans une sorte de mansarde, juste sous le toit. J’ai laissé la fenêtre ouverte, et j’écoutais, j’écoutais la nuit. À ce moment-là il n’y avait pas d’autres choses, il n’y avait pas d’autos, il n’y avait rien, juste le grand silence. On peut écouter non seulement l’espace, mais on peut écouter les étoiles aussi. J’ai beaucoup appris à écouter. Je suis de ceux qui ne savent pas dessiner, savent à peine décrire, mais qui savent écouter. Par exemple cette fascination de l’eau : être étendu à plat ventre au-dessus de l’eau… »
Entretien inédit
« Je me rappelle les processions des Rogations à travers champs, d’un reposoir à l’autre. Hommes, femmes, enfants, allaient derrière le prêtre, d’un petit autel dressé dans la campagne à un autre petit autel. Chaque hameau tenait à honneur d’orner son autel de toutes les fleurs, de toutes les branches, des beautés profuses de la nature. Ce chant, cette nature en fête et tout entière vouée, cette harmonie d’une liturgie et d’une réalité quotidienne, réalité ici exprimée par ce qu’elle avait de plus beau : le paysan célébrant en même temps son Dieu et sa terre ; pour une âme poétique, c’était une révélation. »
Choses dites, « De la beauté »
« Je ne suis pas un homme des plaines. Je suis un homme de la montagne, au contraire, d’ascendance à la fois alpine et pyrénéenne. »
Journées franco-belges de Royaumont, 5 juin 1953