PIERRE EMMANUEL

CantosLa Baconnière, coll. « Ides et Calendes », Neuchâtel, 15 janvier 1944

Qui a perdu ses amis
il peut s’en faire d’autres
Qui a perdu sa patrie
jamais n’en trouve une autre

Mais où est, à moi, ma patrie ?

                                Cantos I


     Le succès des premiers Cantos incite Pierre Emmanuel à prolonger l’expérience de cette nouvelle forme d’écriture. Aux premiers poèmes, il en ajoute donc une cinquantaine qui sont achevés d’imprimer le 15 janvier 1944, à La Baconnière, coll. « Ides et Calendes », Neuchâtel.
     La progression conserve globalement l’orientation que lui donnaient les XX Cantos.

     « Le poète semble avoir pratiqué une sorte de contrepoint où la méditation sur le mal, la guerre, renvoie au questionnement angoissé du moi sur lui-même et à l’attente d’un Dieu qui ne se donne jamais entièrement.
     Le poète commence par interroger la misère de son identité [...] (I-IX) [...] et son inquiétude est redoublée par l’"ironie" du silence divin (XI, XIII) comme par la conscience d’être lui-même absence et refus (XII). La progression vers Dieu reste inquiète (XVII-XIX).
     Viennent ensuite des pièces qui évoquent la guerre et incitent à résister (XXI- XXIV). [...] Les circonstances (guerre, malheur) sont mises en perspective dans une réflexion plus large sur la destinée de l’homme, le mal, l’absence apparente de Dieu et l’"ironie" "de ce présent toujours absent" (XXV) qui incite à l’humilité (XXVI).
      Après un intermède au ton de mélancolie verlainienne (XXVIII-XXIX, XXXI-XXXIII), [...] le poète exprime le manque de l’âme (XXXVII-XXXVIII) et l’attente d’un renouveau en Dieu (XXXIX-XL). Les allusions qui sont ensuite faites à la guerre et à l’attente d’une libération sont comme l’illustration concrète et universelle de la misère et du désir de l’âme.
     L’élan du désir spirituel est enfin relancé (LVII) et l’effort de l’âme semble promettre l’unité en Dieu (LXVII). La plénitude de la Nature accorde elle aussi des moments d’extase immédiate (LXVI, LXVIII). Les deux derniers "cantos"» disent alors à la fois, comme souvent chez le poète, sa crainte et sa confiance. »

Aude Préta-de Beaufort, notice de Chansons du dé à coudre, Œuvres poétiques complètes, t. 1, L’Âge d’Homme, 2001, p. 1175-1176.

 

     Plusieurs de ces Cantos sont mis en musique par Louis Saguer, auquel Pierre Emmanuel confia aussi la musique de la mise en scène du Lépreux.