PIERRE EMMANUEL

BBC et radiodiffusion française

     À partir de 1945, Pierre Emmanuel collabore à la BBC, puis à la radiodiffusion française ; les premières émissions conservées sont des « duplex Paris-Londres » dans lesquelles Pierre Emmanuel interroge ses correspondants anglais. Il est chef du service anglais puis du service américain et canadien de la RDF, participe à de nombreuses émissions sur la culture, l’histoire littéraire, la poésie, des romanciers aussi.

     Deux séries d’émissions méritent d’être distinguées : « Poésie et guitare ininterrompues » en 1951, qui mêle musique, poésie et critique autour de poètes espagnols, et « Le poème et son image », en 1955-1956 : Pierre Emmanuel y présente des poètes français à travers l’un de leur poème. Le poète, présent, analyse son œuvre ; un lecteur « naïf » et un critique littéraire reconnu font de même, en sorte que les lectures se complètent et s’entremêlent.

     Pierre Emmanuel reste à ces postes jusqu’en 1958.
     Pierre Emmanuel participe aussi à de nombreuses émissions sur son œuvre ou ses engagements divers. Il est en particulier interviewé à plusieurs reprises par Jacques Chancel ou Jean Amrouche, Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud qu’il connaît depuis 1946.

     « [L]’avantage spirituel de la radio sur la télévision, c’est qu’elle demande, au moins en théorie, une participation plus active puisqu’elle ne propose qu’un ordre de sensations. Ne pas voir l’image, c’est être libre de la créer à partir du support sonore que composent les voix, la musique, les bruits. La création radiophonique structure, moule sa matière de telle sorte qu’un espace interne se dégage dans l’ouïe et l’esprit, espace dynamique, peuplé d’intentions plutôt que de formes, de mouvements plutôt que d’objets, et par là même offrant à l’auditeur des suggestions dont il tirera ou non des images qui viennent de lui autant que du réalisateur. L’écoute radiophonique, non distraite par l’image visuelle, attentive à la figure sonore en mouvement, peut induire à se concentrer comme l’audition musicale. De plus, une radiodiffusion bien conçue étant au service de la parole, c’est-à-dire de la pensée bien formée, bien rythmée, bien proférée, cette écoute peut aider l’auditeur à parler sa propre expérience, voire à pressentir ce qui, dans le langage, est geste de l’âme, divination du sacré. Aussi, loin de considérer comme des moyens secondaires d’expression les échanges et débats radiophoniques ou les lectures de poésie, faut-il les regarder comme des résonateurs particulièrement puissants sur les intelligences douées d’ouïe, et les étudier en conséquence ; à la radio, en raison de sa pauvreté même qui n’autorise aucun effet, la médiocrité est intolérable et la rhétorique ne passe plus. Bien que la radio puisse sembler caduque, son utilisation communautaire immédiate est plus facile et, pour tisser le réseau de parole, sans doute plus efficace que la télévision. »

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