PIERRE EMMANUEL

Cahiers du Sud, 27e année, janvier 1940, p. 57-60










La Tunisie Française littéraire, 24 mai 1941, p. 3.






Le Mot d’Ordre, n° 643 (15 juillet 1942), p. 2.






Le résistant de la Drôme, 23 sept. 44, éditorial


 






Le résistant de la Drôme, 1re année, 7 octobre 1944, p.1




Les lettres françaises, 4e année, n° 35, 23 décembre 1944, p. 5





Les Étoiles, n°1 (15 mai 1945), p.1







Arts, 6 juillet 1945, p. 3





1944-1946 ?







« Enquête sur notre culture en Europe », Une semaine dans le Monde, 10 janvier 1948, p. 3.






Arts, n° 253 du 10 mars 1950, p. 1.






La Revue du Caire, n° 135, décembre 1950, p. 74-78.








Feuille avis, Neuchâtel, 8 mai 1953, p. 8.

















Le Figaro littéraire, 10 novembre 1956, p. 1, 9.






Le Figaro littéraire, 30 avril 1960






Le Figaro, 5 septembre 1973, p. 1, 28.






Le Figaro, 24 novembre 1973, p. 1, 21.




Le Figaro, 1 décembre 1973, p. 1, 5.








Le Figaro, 21 février 1974, p. 1, 32.







Le Figaro, 12 mars 1979, p. 1, 4.




Le Figaro, 30 janvier 1980, p. 1, 5.







Le Figaro, 4 février 1980, p. 1, 6.














France catholique, n° 1751 du 4 juillet 1980




France catholique, n° 1765 du 10 octobre 1980







France catholique, n° 1828, 25 décembre 1981






France catholique, n° 1847 du 7 mai 1982














France catholique, n° 1857 du 16 juillet 1982







France catholique, n° 1864 du 3 septembre 1982

 

 

 


 

 

France catholique, n° 1902 du 27 mai 1983

Une lettre de Pierre Emmanuel

« Cher Monsieur,

     « Je comprends votre douleur et votre impuissance, devant la disparition des Cahiers du Sud. Ce lien de rencontre et de confrontation des jeunes ne sera plus, puisque désormais (et pour un temps) il n’y a plus de jeunes. C’est une grande tristesse pour ceux qui restent que de voir dispersés les amis sur la jeunesse desquels ils comptaient le plus ; détruites, ces demeures de l’esprit qu’ils commençaient à peine d’édifier ; et tant de lucidité, tant d’ardeur à vivre, distraite du futur… Mais une tristesse prévue, attendue, contre laquelle beaucoup s’étaient armés, de ceux même qui exercent sur le front leur grande vigile solennelle. La génération qui atteint ses vingt-cinq ans ou en approche n’a pas connu la paix. Son universalisme, (celui de ses meilleurs représentants) était moins une culture (nous étions si jeunes, si impatients), qu’un désir de vivre, un besoin de santé à l’image du besoin de la Terre... »
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Sur le mot mystique

« S’il est un mot dévalué, c’est bien le mot “mystique”. Sa profondeur, son obscurité attirent ; il exprime tous les ineffables à peu de frais. C’est l’un des termes qu’emploient le plus volontiers les snobs de l’indicible, ces vagues Narcisses qui confondent l’émotion spirituelle et spiritualité, veulent prendre pour une haute vie de l’âme leur goût des évasions faciles et des éternités instantanées. Cette attitude de faux détachement a sur le langage et la pensée des conséquences si graves, elle porte les mots et les actes à un tel degré d’abstraction, que l’on ne peut se défendre d’y voir l’un des pires symptômes du mal qui ravage l’époque. Jadis, se servir des mots, c’était se sentir engagé par eux, leur déléguer une parcelle de sa vérité personnelle, les garantir de sa propre intégrité ; maintenant, les mots ne sont plus guère utiles à l’homme que dans la mesure où ils sont créateurs d’illusion. La perte du sens de l’humain jusque dans le verbe laisse l’homme seul, comme un temple désaffecté, au sein d’un monde étranger à ses mots… »

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Sauver l'homme d'abord

     « Toutes les formes de démission de la pensée se ramènent en définitive à une seule : proclamer que le salut de l’homme peut s’opérer sur un plan déterminé, les autres étant abandonnés au libre jeu des forces de décomposition qui nous menacent. Triste alibi pour les lâches, et qu’on ne se donnerait pas la peine de dénoncer, s’il ne risquait d’égarer de bons esprits un peu trop préoccupés de se trouver une assiette sûre. Comment d’ailleurs ne pas les excuser, alors que toutes les séductions de la pensée, toutes les ressources de la technique, tout le poids des autorités « morales » contribuent à fausser la portée des problèmes, à priver l’homme du sens de l’universel, à remplacer ce dernier par une bonne conscience réduite à quelques réactions tout instinctives, bien que parées provisoirement d’un prestige moral ?
     Je ne crois pas céder à l’emphase, en plaçant quelques remarques sur la poésie de notre temps sous le signe de ces réflexions préliminaires. »

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La tentation fasciste

     « Écrasé par les armes de la liberté, le fascisme semble devoir disparaître à bref délai de l’Europe. La lutte que les peuples européens ont entreprise contre toutes les formes de la tyrannie va se terminer en triomphe. Comme une peau de chagrin, l’espace vital du fascisme se rétrécit de plus en plus. Nous pouvons suivre presque d’heure en heure ce rétrécissement sur la carte.
     Notre victoire est maintenant une certitude : seuls, quelques jours nous séparent du dénouement.
     Mais le fascisme peut renaître à tout instant. N’oublions pas qu’il est une maladie de l’esprit, aussi bien qu’une folie collective... »

 

 

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Pas de démagogie

     « Nous sommes en période révolutionnaire, et nous voulons mener à bien la Révolution. Mais la Révolution n’est pas l’anarchie. L’ordre révolutionnaire est un ordre qui nous oblige d’autant plus qu’il tire sa force de notre responsabilité d’hommes libres, de notre conscience de républicains.
     Dans l’état présent de la France, les difficultés de communications risquent de compromettre l’unité du pays. D’autre part, après des années de dictature, il se produit partout une détente, qui pourrait devenir un relâchement. Tout concourt à renforcer l’autonomie locale, au détriment parfois du destin d’ensemble de la patrie.
     Cependant, coûte que coûte, ce destin doit être préservé. Ce n’est pas à dire que la décentralisation administrative soit un mal. Au contraire, nous y voyons l’un des moyens d’aviver le sens politique des masses, pour autant qu’elle est inséparable d’une intense circulation d’idées allant de haut en bas comme de bas en haut… »


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Pour un enseignement de la poésie

      « Avez-vous lu M. Gustave Laoson ? Son Histoire de la littérature française est dans les mains de tous les potaches : c’est une mine d’idées générales, ces fameuses « idées générales » qui font la « personnalité » de tout bon devoir de réthoricien. Ouvrons-la, si vous le voulez, à la page consacrée à Baudelaire.
     Nous y lisons : « Je ne lui reprocherai pas d’avoir peu produit : ce peut être d’un sage autant que d’un stérile. » (Quel bel alexandrin ! Nous vous entendons à demi mot, monsieur Laoson…) "Le talent de Baudelaire est assez étroit… Il représente à merveille ce que j’ai déjà appelé le bas romantisme, prétentieusement brutal, macabre, immoral, artificiel, pour ahurir le bon bourgeois"...

 

 

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Souffrante et triomphante

     « Notre journal, fondé dans la clandestinité, revoit le jour à l’aube de la Victoire. Comment n’y verrions-nous pas un signe ? Nous avons préparé le premier numéro de la nouvelle série tandis que la foule déferlait en chantant, que les canons tonnaient, que les fusées éclataient dans le ciel. La joie de tout un peuple nous soutient, nous encourage, répond à notre espoir par une espérance innombrable : un peuple qui des années durant a préparé sa libération, un peuple que la victoire trouve prêt pour les grandes tâches de l’après-guerre.
     Nous savons que nous pouvons viser haut : nous sommes les fils d’une haute civilisation qui n’a pas fini d’éclairer le monde.
     Les Étoiles, fondées à Lyon en février 1943 par Auguste Anglès, Aragon, Stanislas Fumet, Henri Malherbe et Jean Prévost, mort pour la France sont l’organe de l’Union Nationale des Intellectuels. C’en est assez pour définir notre attitude. L’intelligence française a donné les preuves de sa vitalité, de son courage, de sa foi dans le destin de la patrie... »

 

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En flânant avec Elsa Triolet

     « “Quand goûtons-nous ensemble, Elsa ?”. J’avais dressé tout un plan. Nous goûterions dans un salon de thé, près de la Madeleine ou de l’Opéra ; puis – j’y tenais beaucoup – nous irions jusqu’au jardin de Notre-Dame, alors en pleine floraison. Je m’y étais assis quelques jours plus tôt, à cette heure d’après-midi où les vieux employés y font la sieste, où les amoureux s’y rejoignent, où les petites cousettes y viennent attendre deux heures, en bavardant comme des oiseaux. J’avais parlé à Elsa des arbres en fleurs, de la bonté du soleil, du silence provincial de ce petit jardin de presbytère. Elle, je l’imaginais déjà, bien mieux que je n’aurais su le décrire. Mais je tenais à le lui montrer, et le voir avec ses yeux... »



Les intellectuels qui ont dit : non ! à la trahison

     « Rien ne fut plus simple à l’origine : une réaction d’auto-défense de l’esprit. Il fallait échapper à l’évidence de la défaite par une évidence plus forte, comme le disait Max-Pol Fouchet dans l’éditorial de Fontaine (août-septembre 1940), « que les victoires ou les défaites des peuples se mesurent à la seule échelle des civilisations. » Mais il y avait plus que cette foi spéculative dans le destin spirituel de notre peuple. Nous savions que le nazisme n’était pas seulement une doctrine politique, mais une dogmatique mortelle, un Credo dont le premier article était de nier la liberté de l’homme.
     Nous connaissions le dieu qui nous était proposé, toujours le même sous des masques différents. Malgré le silence ou la complicité d’une presse qui, dès avant la guerre, avait commencé son travail de démoralisation, il n’était pas un d’entre nous qui ne connût, par des récits de témoins oculaires, les sacrifices sanglants exigés par la nouvelle idole… »

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Avec le roi Michel à Bucarest, à la fête de l’amitié roumano-russe

     « Quand j’étais à l’école primaire j’avais un amour d’enfant pour la Roumanie : elle et la France figuraient sur l’une des images ornant les murs – deux sœurs jumelles drapées d’azur, chacune tenant dans ses bras, telle une corne d’abondance, une gerbe d’épis dorés. On a tellement célébré leur amitié traditionnelle, leur commune intimité, que je croyais, dans la simplicité de mon cœur, être reçu comme un frère. Avant de quitter Paris j’avais fait une visite de politesse à l’attaché culturel roumain, une femme charmante, qui m’avait assuré de l’accueil que je trouverais à Bucarest, avait pris les dates de mon séjour, parlé de rencontres officielles. Je n’en demandais pas tant, quelques contacts avec des écrivains et des jeunes, quelques nouvelles amitiés m’auraient suffi... »

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Les inventeurs honteux

     « Tout le monde a peu ou prou suivi l’affaire de la bombe H, nouvelle preuve de la vérité de l’art pour l’art. Grâce au téléscripteur, ce graphique de l’ubiquité moderne, nos talentueux journalistes ont pu brûler à vitesse folle toutes les réserves d’absurdité du génie humain. Notre journal, qui s’intéresse aux arts (comme son titre l’indique), ne pouvait manquer de souligner l’accélération du lyrisme objectif introduite par la science dans cet art très ancien : l’assassinat. Comme le dit le savant auteur de L’Assassinat considéré comme un des beaux-arts (livre en passe de devenir un classique au programme des sciences politiques) : « Dans cet âge-ci, après que des chefs-d’œuvre parfaits ont été exécutés par des professionnels, il faut évidemment que, dans le style de la critique qui s’y attache, le public s’attende quelque peu à un progrès en rapport. La pratique et la théorie doivent marcher pari passu... »

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Deux collections de poésie

     « Il y avait en Avignon un jeune poète qui tout le jour vendait ces superbes percolateurs "dont l’éclat fait l’orgueil des cafetiers prospères".
     Chaque soir il traversait le Rhône, et rentré chez lui, sur la colline au pied de la tour, écrivait des vers devant le plus beau paysage de monde. Contrairement à ses frères en poésie, ce poète lisait les oeuvres des autres, et comme il était modeste, il les aimait à l’égale des siennes. C’était un Flamand du midi, ou un Provençal des Flandes : il s’appelait Pierre Seghers. Il était donc rêveur comme ceux du Nord, et précis dans ses rêves comme ceux du Midi Son grand rêve, c’était que tous les poètes soient frères. Il fallait avoir l’âme candide pour rêver cela. Candide ou pas, notre homme était bien décidé à réaliser son rêve, car il avait l’esprit pratique et la tête carrée. La guerre vint, et la fraternité des armées lui parut favorable à celle des poètes : il eût l’idée d’imprimer une petite revue qu’il appelle Poète Casqués. (P.C. c’était son vrai titre.) Et tout de suite, il écrivit à celui dont la voix fit battre tant de cœurs dès les premières semaines de la guerre : Aragon... »

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Si nous faisions un saut à Paris...

     « Il y a d'abord la Seine : c'est pour beaucoup de promeneurs du dimanche la grand-route de leurs rêves. L'amour fait l'école buissonnière sur ses berges, comme en des chemins creux sous les grands arbres qui vous font si petits, si éphémères, si conscients de la perfection du moment... Depuis la semaine dernière, le saule du Vert-Galant a des feuilles couleur précoce et tendre d'un encore timide espoir, le seul ou presque en ces parages, où se dessinent — moins cruellement il est vrai que sur le ciel trop exact de l'hiver — les ramures encore abstraites, luisantes ici et là d'une sève remontée vers les bourgeons. Dans quelques semaines — qui le croirait aujourd'hui ? — le jardin de curé qui entoure Notre-Dame sera tout blanc comme un verger en fleurs... »

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Ce que nous cherchons ? Redonner sa pleine dignité à la parole

     « Vous ne comprenez plus nos poètes : c’est qu’ils sont à l’affût d’un langage incompréhensible ». Ce titre donné à la chronique de M. Robert Kanters m’a étonné.
     À l’affût, je veux bien : ces mots décrivent justement le genre d’attention qui s’exerce en poésie. Mais qu’est-ce, un langage incommunicable ? Un langage qui ne vaut que pour son inventeur ? Autant dire que nous nous livrons au plaisir solitaire de l’esprit. Certes, tout poète, plus ou moins durablement, traverse une telle crise. Mais ce solipsisme est tout le contraire d’un langage : parler, c’est s’orienter vers l’autre, le viser. Si nous étions vraiment à l’affût d’un langage incommunicable, nous serions des fous, ou des sots... »

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Le grand crime contre les pauvres

     « Le paradis était donc à l’Est : Moscou, l’Alpha et l’Omega de l’Histoire. À la verticale du Kremlin, la colombe planait comme l’Esprit sur les eaux. On se sentait au commencement du monde chaque fois qu’on voyait, sur la couverture d’un magazine, sourire une kolkosienne sur fond de silos et de tracteurs. Quand on apprenait – car malgré d’immenses efforts de mauvaise foi on ne pouvait tout à fait éviter de l’apprendre – qu’il y avait quelques millions de concentrationnaires en Russie, ou qu’une petite révolution de seconde main comme la hongroise avait, de 1945 à 1954, coûté la bagatelle de cent mille morts, on s’exaltait à l’idée que les « lendemains » justifiaient de tels sacrifices et qu’ils en seraient d’autant plus beaux... »

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La maladie mentale

     « Les récentes déclarations de Soljenitsyne, amplifiant celles de Sakharov, sont un sommet de la conscience : rien d’aussi capital pour le civisme universel n’a été proféré depuis longtemps dans le monde qui se dit libre. Pourtant, il est douteux que ces paroles, qu’un petit nombre seulement de grands journaux ont reproduites en entier, soient entendues de ceux qui tout les premiers devraient les entendre, à savoir les intellectuels. Seuls quelques-uns osent mesurer la catastrophe de l’esprit dont Soljenitsyne, une fois de plus, nous rappelle la menace... »

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L’école nous remet en question

Depuis mai 1968, la France a mal à sa jeunesse. D’autres pays de mentalité plus libérale connaissent ce mai depuis longtemps et s’y sont plus ou moins faits, comme à un passage critique de la civilisation. Tel n’est généralement pas notre cas. Nous n’essayons guère de nous mieux comprendre par le malaise des jeunes. Au contraire, nous tentons de le mettre en marge, comme si les adultes, eux, en étaient exempts. De la fête obsidionale où tous ses fantasmes l’assiégèrent, la société française a gardé comme un fonds d’angoisse. Tout son effort ultérieur sur elle-même, il faudrait presque dire : jeunes compris, a été de refouler ce qu’avait d’irrationnel l’explosion de mai, ou plutôt ce qui était contraire en elle aux habitudes de la raison ordinaire...
 

Réapprendre à vivre

     « De la conférence de Bandoeng, en 1953, première manifestation de la solidarité militante du tiers monde, au 4 novembre 1973, premier dimanche sans automobiles aux Pays-Bas, moins de vingt ans se seront écoulés, pendant lesquels la civilisation technologique aura connu, grâce aux matières premières du tiers monde, une croissance et une inflation vertigineusement accélérées. Étrange que, dans l’espace de ces vingt années, si peu de responsables se soient posé la question de la fragilité de ce progrès si spectaculaire dans ses changements universels, si bouleversant pour le psychisme des hommes.
     Au contraire, la névrose de la croissance a si bien gagné tout un chacun que, en moins d’une génération, se sont formés plus d’habitudes et de réflexes de tous ordres que depuis le début de l’âge industriel... »

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Soljenitsyne et les autres

     « Nous avons appris par la télévision, de la bouche de M. Andrei Gromyko, que Soljenitsyne était un "breuvage empoisonné". La mimique du chef de la diplomatie soviétique montrait combien l’URSS se sentait satisfaite d’avoir craché ledit breuvage de son sein. Bien. Voilà une difficile affaire terminée, négociée sans doute au plus haut niveau, ce qui évite des suites fâcheuses pour la détente, pour l’alliance de la gauche française et même, subsidiairement, pour le principal intéressé, lequel après tout, n’est-ce pas, est en Occident un homme riche. Que ce personnage irascible ait dit à la meute des journalistes occidentaux qu’ils étaient pires que le KGB est l’une de ces boutades ambiguës dont personne ne fera l’exégèse, ni à l’Ouest ni à l’Est... »

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La tyrannie du Coran

« Les images d’Iran fascinent et repoussent, la moins inquiétante n’étant pas celle du saint homme dont le front sourcilleux luit de l’orgueil de la vindicte autant que des foudres d’Allah. Il est loisible de n’éprouver aucune sympathie pour le prophète ambigu de l’islam de Médine, et de s’interroger plus qu’on ne l’a fait sur les raisons qui lui ont permis de faire de Neauphle-le-Château la tête de pont de sa conquête de l’Iran. Jamais en Europe chef révolutionnaire ne fut légitimé à ce point par les pouvoirs publics et les médias. Certes, le régime du chah et sa Savak n’avaient rien qui méritât de les souhaiter éternels : mais l’alternative était-elle entre la tyrannie impériale et celle du Coran ?... »
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Le prix d'être homme

     « … Dès maintenant il nous faut bien nous poser la question du prix à payer pour être un homme. Nombre de gens de gauche, tout en se frappant la poitrine et en s’accusant de n’avoir rien vu, sont prêts à faire feu du bois de leur mauvaise conscience pour continuer d’éclairer la perspective messianique d’un socialisme toujours à venir.
     Il serait temps pour eux comme pour nous (car elle nous menace les uns et les autres) d’en finir avec cette utopie. Une guerre pour l’homme a commencé qui n’est pas celle des fusées et des chars mais celle que, partout, à tout prix, la pure et simple vérité doit mener contre les innombrables fonctionnaires du mensonge. Et il est bien vrai, étant donné la veulerie qui s’annonce, qu’il faut être des fous ou des enfants pour l’engager. »

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La gauche et les droits de l'homme

     « Il ne faut pas sous-estimer le pouvoir des intellectuels. Depuis deux siècles et demi, il a largement façonné la vie politique et sociale. Les grandes idéologies qui nous dominent sont des théories portant sur l’homme avant d’être des méthodes de gouvernement ou des pratiques de la révolution.
     Il y a quelque chose d’enivrant dans ces doctrines : ce sont des explications totales de l’histoire, des utopies réalisées. Ceux qui les admettent ne se posent pas la question de leur adéquation au réel, mais, comme le dit Alain Besançon, travaillent à imposer de force la surréalité contre le réel lui-même.
     Pour atteindre à la société idéale, où l’homme enfin désaliéné sera définitivement libre et bon, la pire contrainte est éventuellement justifiable, et la terreur. Cette idée de la bonté de l’homme est « de gauche » ; les fascismes l’ont toujours ignorée : leur idéal est l’eugénisme, la force, la supériorité de la race. L’idéal de la gauche, lui, est une religion universelle de l’homme sauveur de l’homme, ou subsistent certains traits chrétiens… »

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Qu'est-ce, pour toi, l'homme ?

     « … L’homme sans convictions est aussi l’homme sans conviction. Comment être homme, sans conviction ? L’homme est ma conviction même. Si je cessais d’être convaincu de l’homme, je ne serais plus. Quand ai-je d’abord senti cette conviction ? Dès l’éveil de ma conscience sans doute. C’est une force, un élan, un naturel dans le fait d’être, que je me découvre dès l’âge de six ans. En écoutant mon interlocuteur m’exposer son manque de foi, je comprends quelle chance fut la mienne, ou quelle grâce m’est donnée. Et qu’en ai-je fait ? On n’est jamais assez homme. On ne s’oublie jamais assez pour être l’homme que l’on doit… »

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L'abominable

     « Un homme de mon âge, qui a connu l’antisémitisme des années trente et la persécution des juifs pendant la guerre, ne peut être que triste au fond de l’âme de voir renaître la violence raciste dans la France de 1980[1] Tout racisme est essentiellement bête et vil : il peut avoir des degrés dans la brutalité physique, il n’en a pas dans la souillure qu’il imprime par nature à l’esprit. L’horreur que j’en ai date de l’instant où j’ai appris son existence : tout jeune que j’étais, j’y ai senti une offense à l’homme dans sa simple humanité. Je n’y ai jamais admis, bien qu’elle fût naguère encore, avec d’autres formes de dégoût latent, un lieu commun du christianisme, l’accusation de déicide qu’il prononçait contre les juifs : j’y ai toujours vu la plus détestable incitation à une haine sacrilège, doublée du plus débile provincialisme religieux... »


[1] Cette chronique fut écrite quelques jours avant l’attentat de la rue Copernic.
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Quand je dis l'homme

     « … [I]l ne faut pas cesser de rappeler que, sans la croyance au Verbe incarné, le christianisme ne serait tout au plus qu'une religion monothéiste parmi d'autres, et qui peut-être aurait disparu, comme bien des hérésies juives, peu après la mort de son fondateur. L'Incarnation change du tout au tout le rapport de l'homme avec Dieu. Celui-ci n'est plus le Tout Autre, mais Dieu fait homme, accessible à tout homme en Jésus-Christ. À la transcendance du Dieu lointain, ou, pour Israël, du Seigneur innomé de l'histoire, se conjoint sans s'y substituer l'immanence humaine du Christ. C'est une révolution sans précédent dans l'histoire religieuse de l'humanité, puisque, désormais, en cet homme parmi les hommes, le premier venu peut saisir une disposition absolue vers Dieu, une transfiguration totale par Dieu. Autrement dit que Dieu, dans un être qui ne lui fait aucun obstacle, se donne entièrement à cet être comme cet être se donne à lui. Est cet être comme cet être est lui… »

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Le fantasme de l'Apocalypse

     « Un roman, il y a vingt ans, m'avait frappé : La Fosse de Babel, de Raymond Abellio*. J'y retrouvais tous les mythes du nihilisme moderne, où Bakounine et Lénine font bon ménage avec Nietzsche et Rosenberg, Les Possédés de Dostoïevski avec Les Réprouvés de von Salomon, la « race des maîtres » de Hitler avec l'« homme nouveau » de Staline. Ces mythes obsédèrent ma jeunesse au moment où, en France, s'affrontaient les disciples des totalitarismes opposés. Le manichéisme en politique, la haine entre « frères ennemis » ne doit pas faire illusion : le nihilisme tout court est la forme prévalente de l'esprit moderne, où s'entremêlent le dualisme des principes, l'utopie millénariste et la nostalgie de l'Âge d'Or. Ce que, brillamment, La Fosse de Babel démontre. Son auteur, l'un de ces hommes qu'on dirait créés en vue des temps de crise, pour y vivre le plus grand nombre possible d'expériences et même d'existences apparemment contradictoires, se révèle ici comme dans Les Yeux d'Ézéchiel sont ouverts, un prophète de notre temps… »

*Paris, Gallimard, 1962.

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On se f... du peuple !

     « (...) Ce ne sont pas les hommes politiques et les idéologues, de gauche, de droite ou d’ailleurs, qui créent la société civile et sa véritable solidarité. C’est cette société même qui, lentement, par l’effort conscient que font ses membres pour y définir leurs intérêts et leurs responsabilités réciproques, modifie sa forme en vue de sa meilleure harmonie. Tel est, face à la logique totalitaire de tout système administratif contemporain, l’idéal dont, peut-être trop tardivement, s’avisent les hommes voulant rester libres. Cet idéal est contradictoire avec l’existence de partis de masse monopolisateurs du pouvoir : c’est une conception de la cité, non de l’État, encore moins de cette lutte des classes devenue le grand mythe guerrier de la partie de l’humanité dite, on ne sait pourquoi, "progressiste"... »

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Le décor et les coulisses

     « Certains jours, il vaut vraiment la peine de vivre, pour voir passer d’en-haut, sur cette terre, un reflet de l’humour de Dieu. Vendredi dernier fut un tel jour pour moi, sur l’écran de mon inséparable compagne, la télévision. Elle montrait au monde Svetlana Savitskaïa, la cosmonaute soviétique, à bord de sa capsule volante, qui n’a certes pas le confort d’un boudoir. Le valeureux commentateur de service, lancé lui aussi dans l’espace-temps, évoquant le futur de l’homme cosmique, tout à coup, proféra ceci : “Car il faut savoir que si l’homme doit un jour se déplacer vers d’autres galaxies, sa reproduction dans l’espace serat (N.B. : cuir garanti maison), une nécessité”. Voilà, c’est grandiosement simple. Je vous laisse rêver avec Svetlana aux joies de la sexualité sidérale ou, si vous avez l’âme scientifique, réfléchir aux expériences préalables à cet aspect du plan spatial de l’URSS. Quant à Dieu, il rit dans sa gloire : “Ils sont en route, Emmanuel, tu verras…” »

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Ce cannibalisme insatiable, la consommation

      « “Mai 68, connais pas”, tel était le titre du débat diffusé vendredi par FR3 et « dirigé » par André Campana. Sur le plateau, entourés de « délégués de classe » de plusieurs lycées et collèges parisiens, l’indispensable Daniel Cohn-Bendit, ayant à sa gauche une travailleuse qui avait vingt ans à l’époque ; à l’aile droite, Pierre Charpy, éditorialiste du R.P.R., et Guy Hermier, costume strict, chemise et cravate impeccables, comme il sied à un grand cadre du P.C. Campana, théoriquement seul maître à bord au cours de cette périlleuse circumnavigation historique, y fut, en fait, constamment submergé par son juvénile équipage, dressant au-dessus de sa tête les flots houleux d’une chaotique vitalité. Ses quatre lieutenants d’occasion, tout occupés à régler rétrospectivement leurs vieux comptes, ne l’aidaient guère à ramener le navire au port. Il sombra torpillé par l’horaire, rendant l’antenne comme il eût rendu l’âme… »

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